LA PAROLE DE BOUDDHA (2ème partie)
Il est impossible, pensa l'homme, qu'on ait enfermé un serpent venimeux dans un si riche coffret. On dirait que celui-ci est en argent.
Il était en argent, en effet. Une clef pendait à la serrure ; l'homme n'eut qu'un tour de main à donner, le coffret s'ouvrit.
Des cascades de pierres précieuses et de pièces d'or s'en échappèrent aussitôt. On aurait dit que le soleil se mirait avec tous ses feux dans le coffre rectangulaire. L'homme était enivré, ébloui. Il releva la tête pour chercher le regard de Bouddha.
Mais Bouddha avait disparu.
- Merci à lui pour le trésor qu'il m'a donné, se dit l'homme. Quoique, à vrai dire, je le doive surtout à moi. Si je n'avais pas eu l'idée de creuser le sol malgré son mauvais pronostic de "serpent venimeux", je ne serais pas à cette heure en passe de devenir un des hommes les plus riches de la Chine. Mais il me faut transporter tout cet or et ces pierres précieuses en sûreté dans ma cabane, et je vais me faire aider des miens pour vider plus vite le coffre.
Il se chargea d'une bonne quantité d'or et courut aussi vite qu'il le put jusque chez lui. Là, il mit sa famille au courant de sa trouvaille ; et tous ces pauvres gens, presque fous de joie à la pensée de cette richesse inattendue, se rendirent en hâte au trésor.
Pendant quelques jours, ce furent des allées et venues continuelles, car le coffret était profond. Et les voisins commencèrent à s'étonner de ces courses dont chacun revenait, porteur d'un paquet mystérieux. L'un d'eux, enfin, plus curieux que les autres, suivit avec précaution le pauvre homme et sa famille, se rendit compte de leur besogne et courut aussitôt en avertir la police du roi.
Au premier mot de trésor, tout le monde fut sur pied au palais et le souverain informé donna l'ordre d'amener devant lui les chercheurs d'or et le trésor lui-même. La vue des pierreries rutilantes arracha des exclamations d'admiration à la reine et aux princesses. Le roi lui-même était ébloui.
Cependant, il n'oublia pas qu'il voulait sévir et quand le pauvre homme se présenta à sa vue :
- C'est toi, lui dit-il, misérable, qui t'es emparé frauduleusement d'un trésor qui m'appartient. Espères-tu que je vais t'accorder, à toi et aux tiens, la liberté de jouir en paix de l'or que tu m'as volé ? Espères-tu que je vais oublier ton crime, ce vol, cet attentat de lèse-majesté, puisqu'il s'adresse à la personne royale ? Nullement. La cangue t'attend. Je te fais grâce du pal, mais tu vas être pendu, et les tiens passeront leur vie en prison, comme complices de ton acte abominale.
Le pauvre homme se jeta aux pieds du roi, priant, suppliant avec des cris, mais le souverain ne se laissa pas attendrir et donna l'ordre de le conduire sur-le-champs au supplice.
Tandis qu'il marchait entre les soldats, le condamné songea que si peu de jours auparavant, il cheminait sur les traces du dieu. Il se revit fouillant la terre, au geste de Bouddha, incrédule à sa parole, sans compréhension de son regard.
Et brusquement ,
LA VERITE DE LA PAROLE DIVINE SE FIT JOUR DANS SON ESPRIT;
Il cessa de se débattre et d'insulter ceux qui le traînaient et, se frappant la poitrine de ses poings, il s'écria, plein de remords et de résignation :
- O Bouddha, père et ami, vrai guide des coeurs simples et croyants, je suis puni de mon doute, de ma cupidité, de ma sottise. Oui, tout s'éclaire pour moi : la source, l'épi, la lande ! Et je vois tout le mal que peut faire le "serpent venimeux". J'ai péché contre ta bonté, ô dieu et j'accepte ma punition. Mais aie pitié des miens qui sont innocents de tout crime.
Ces paroles et la nouvelle attitude de condamné frappèrent vivement l'officier qui commandait l'escorte et arrivé au lieu du supplice, il ordonna au bourreau d'attendre son retour. Il sauta à cheval et courut chez le roi à qui il redit fidèlement ce qu'il venait d'entendre.
Or, le roi était un souverain assez débonnaire et, sans doute, Bouddha versait-il d'en haut sur cette pensée un des rayons de lumière éclos de ses mains. Au lieu du bourreau et de la corde qu'il attendait sans colère, le pauvre homme se retrouva, vivant, devant le monarque.
- Que disait-tu donc en allant au supplice ? lui dit celui-ci. De quel serpent venimeux parlais-tu ?
- De l'or, roi, de l'or. Bouddha a appelé ainsi ce dangereux métal qui vient mordre si fort les hommes qu'ils en oublient tout. J'ai été mordu par ce serpent venimeux, et c'est pourquoi je meurs. O roi, souviens-toi de mon exemple, et ne te sers de ce trésor que pour de bonnes oeuvres, afin de le purifier.
Le roi fut ému de ces paroles et de la majesté soudaine dont était empreint le visage du pauvre homme. Il reconnut là une manifestation évidente de la sagesse et de la vérité divines. Sur sa demande, le condamné lui fit le récit de la promenade qu'il avait faite avec Bouddha dans la campagne, ce qu'avait dit le dieu, et ce qu'il avait trouvé aux différents endroits où il avait fouillé la terre.
- Si je n'avais pas été aveuglé par ma cupidité, conclut-il, j'aurais senti qu'en conduisant la source dans la lande infertile, et en semant les grains de maïs, je pouvais, avec mon travail quotidien, sortir de ma pauvreté, devenir un heureux paysan qui, chaque année, voit mûrir plus loin sa moisson et en entasse plus de grains au grenier, mais je n'ai été qu'un instrument avide.
Le roi se leva de son trône.
- Va, dit-il au pauvre homme, va utiliser la source, cultiver la lande et semer le grain puisqu'il n'est pas trop tard pour entendre la parole de Bouddha. Je l'ai entendue aussi. Tous mes trésors iront aux pauvres et nous apprendrons aux hommes, toi du seuil de ta cabane et moi de mon palais, à mépriser le "serpent venimeux" !
VOILA LES PETITES FES MERCI POUR CELLES QUI AURONT LE COURAGE DE LIRE CE CONTE JUSQU'AU BOUT !!